L’activité de la cité est profondément liée aux nouveaux continents et influencée par les évènements religieux et politiques qui bouleversent la France, sans y jouer un rôle majeur.
Louis XV accède au trône en 1715. Compte tenu de son très jeune âge, la régence s’impose, personnifiée par le duc d’Orléans qui fait casser le testament de Louis XIV limitant ses pouvoirs et entreprend de contrer l’influence du précédent règne. Il instaure la polysynodie et augmente les droits parlementaires, pacifie les relations et modifie les alliances internationales, met en pratique les idées de Law pour rétablir les finances de l’Etat et soutient le jansénisme.
Directement, la paix avec l’Espagne et la Prusse relance quelque peu l’activité de La Rochelle qui recouvre par ailleurs en 1718 une mairie élective dans le cadre de ces réformes et, l’année suivante, une chambre de commerce et d’industrie. Le règne de Louis XV voit une succession de ministres et de politiques. La première période favorise la paix, les finances et l’expansion économique dont le commerce maritime intéressant directement la cité.
La guerre de succession d’Autriche opère un tournant : au niveau des finances et de la fiscalité, des guerres entamées dans les colonies et de la dominance croissante de la marine britannique qui aboutissent en Europe à la guerre de sept ans. Le traité de Paris qui y met fin en 1763 engage pour la France la perte de la Nouvelle France et de l’Inde au profit de la Grande-Bretagne. Les échanges diminuent donc à La Rochelle dont les marchands et la chambre de commerce avaient sollicité Choiseul afin que le royaume conserve la Nouvelle France, indispensable aux manufactures métropolitaines. Le port reste cependant l’un des plus importants du pays.
Louis XVI commence par des tentatives de réformes importantes et impopulaires auprès de la noblesse : imposition, abolition du servage, organisation d’assemblées, unification de poids et mesures. Par l’édit de tolérance de 1787, il donne aux protestants un état civil mais ce n’est plus à La Rochelle le centre des préoccupations. Intéressé entre autres par la marine, il accroît celle-ci pour contrer les anglais, ce qui est plus motivant dans ce centre maritime.
La révolution ouverte en 1789 par les Etats généraux n’est pas marquée à La Rochelle de grands évènements. C’est avec modération que la cité participe, même si elle se réjouit de la prise de la Bastille entre autres symboles. L’essentiel des exécutions par la guillotine se déroulent à Rochefort. Quant à l’abolition des droits féodaux et privilèges des villes et provinces, La Rochelle avait déjà perdu les siens depuis 1728 et ne s’en trouve pas pénalisée.
L’unification de l’Aunis et de la Saintonge lors de la création des départements par l’assemblée constituante la touche plus du fait qu’en 1790, Saintes est désignée préfecture de la Charente Inférieure alors que La Rochelle était capitale de généralité. Elle subit par ailleurs les conséquences de la suppression de sa chambre de commerce et des perturbations commerciales liées à la guerre civile.
L’échec de la monarchie constitutionnelle bouleverse moins son existence que, à partir de 1793, la guerre de Vendée qui transforme la cité en base arrière pour les républicains. Elle est à la fois un arsenal et comptoir, une caserne et un hôpital. On y craint les vendéens et anglais et les captifs sont emprisonnés à la tour de la Lanterne.
L’abolition de l’esclavage en 1794 contribue à empiéter sur son essor, de même que les répercussions locales du comité de surveillance et de la terreur : emprisonnement, déportation et exil des résistants catholiques. Les grandes tueries lui sont cependant épargnées, même si une guillotine est installée sur la place d’armes.
Pendant le directoire, de 1795 à 99, la situation économique est difficile pour tous, l’état dépend des armées opposées aux royaumes étrangers dont le Royaume Uni. La République avait repris la Course : entre 1796 et 1799, douze corsaires sont armés à la Rochelle et la protection des côtes est toujours indispensable. L’entreprise de pacification du Consulat instauré en 1799 à l’instigation de Napoléon laisse espérer un meilleur avenir.
Les échanges avec les pays du Nord et la desserte régionale sont toujours maintenus même si l’exportation des eaux de vie de Cognac s’affranchit du passage par La Rochelle et si les débris de la digue continuent d’entraver plus ou moins le passage. C’est avec les colonies de Nouvelle France que l’activité est la plus importante. Depuis le siècle passé, une bonne moitié du transport d’engagés et du trafic de pelleteries et de bois transite par la cité.
Le coût des taxes et milices ne permet pas de reconquérir la fortune passée, mais le comte de Chamilly réarme pendant la guerre de succession d’Espagne. Les soldats contribuent à curer le port et la ville témoigne d’une saine économie par le développement de la chambre de commerce, d’une académie Royale, d’un collège de médecine et d’une société philharmonique ou encore l’accueil de consulats portugais et danois.
Au cours de la guerre de sept ans, le conflit nécessite l’investissement de la population dans la défense. Même les enfants patrouillent entre les tours de la Lanterne et de la Chaîne : la batterie aux enfants. La cession de la Nouvelle France à l’Angleterre en 1763 contribue comme c’était prévisible à appauvrir l’Aunis. Les troubles occasionnent des faillites, les prêts accordés aux colonies sont dévalorisés, des navires disparaissent lors des combats et pour finir, le marché est perdu. L’importance commerciale de la ville décline et l’arrière pays souffre autant de cette chute.
Grand port colonial, la cité conserve des liens avec Terre Neuve et a depuis quelques décennies pris part au commerce triangulaire qui prédomine dès lors. Le nouveau débouché se trouve dans les Antilles et en Louisiane. Les bateaux quittent l’Europe pour les comptoirs d’Afrique avec de menues marchandises échangées contre les captifs noirs, puis transportent ces derniers qui sont revendus comme esclaves dans les colonies du continent américain avant de revenir chargés des ressources produites par ces esclaves, telles que cacao, café, épices et coton.
Vers 1700 et peu après la cession de l’Ouest d’Hispaniola par l’Espagne, Saint Domingue a été reprise à la flibuste par ses gouverneurs pour le développement d’exploitations. Les échanges avec les rochelais qui y établissent plantations, sucreries et raffineries sont particulièrement importants. De nombreux ports suivent cette même voie de développement et la concurrence est rude mais dès les années 1720, l’île est le premier producteur de canne à sucre au monde.
La guerre de sept ans y précède un conflit fiscal entre la colonie et la métropole puis des révoltes d’esclaves ainsi que des modifications de frontières avec l’Espagne qui annexe une partie des terres françaises, mais elle représente au fil des décennies un centre d’exportation de plus en plus important.
Les armateurs négriers font fortune et se font bâtir de grands hôtels particuliers. L'opposition contre la traite des esclaves existe, la société des amis des noirs est fondée en France en 1788, mais elle est modérée et représentée par une élite. L'heure est d'autant moins à l'humanisme qu'il nuit aux intérêts des esclavagistes et colonialistes et peut mettre en péril l’économie locale. De premier port atlantique de France, la cité est en effet déjà passée au deuxième rang vers la moitié du siècle et continue de péricliter. Elle est le deuxième port négrier, talonnée par Bordeaux et devancée par Nantes.
En contraste avec cette minorité qui s’enrichit, la ville n’est plus très active et les entreprises manquent de travail. A la population ruinée ou sans emploi s’ajoute de plus l’apport de paysans régionaux miséreux.
Les troubles de la révolution exercent ici comme ailleurs des perturbations peu propices à une économie stable.
1791 voit la suppression de la chambre de commerce suivie de peu de grandes faillites et de ruines dues à la rupture du commerce avec l’étranger, aux problèmes de ravitaillement suivis de disettes intermittentes ou encore aux réquisition. De plus, les échanges avec Saint Domingue sont altérés par le chaos entre le soulèvement local des esclaves et révolutionnaires soutenus par les anglais contre les planteurs colons liés aux aristocrates. La Rochelle participe aux moyens mis en œuvre pour apaiser l’île mais la suspension du commerce engage la misère.
La ville n’est plus en fin de siècle que le sixième port français. Les émeutes liées aux difficultés quotidiennes y sont évitées par la création de la société populaire proche du club jacobin en 1790.
Pendant le directoire, les agriculteurs appauvris affluent dans la ville et les chauffeurs font régner l’effroi dans tout l’Ouest et jusqu’aux abords de la ville.
On a beaucoup construit au cours de ce siècle. Les grands armateurs et commerçants commandent de grands hôtels dont le style est un bâti en fer à cheval autour d’une cour ou d’un jardin sur lesquels ouvrent des portails monumentaux.
Vers 1750 Télécharger au format 5500x3000 pixels
Un arsenal est situé à Rochefort, des citadelles et redoutes parsèment les îles et la côte et la cité doit sa protection plus particulière au commerce maritime. La dernière enceinte qui l’enclôt est achevée vers 1720, les imposantes portes royales en 1706. Un second fort Louis est bâti à l’emplacement du premier que Ferry avait prévu de relier par des courtines à sa grande enceinte. Son décès prématuré isole la bâtisse à l’extrémité du Jeu du Mail qui prend le nom de cours Matignon. La tour Carrée est par contre élevée en 1708 pour faire office de beffroi bien à l’Ouest et les soldats sont enfin accueillis dans des casernes : la Vieille de 1702 à 1704 et la Neuve de 1705 à 1709. Un cimetière leur est par ailleurs dédié en 1734. Une autre caserne est vouée en 1731 au premier corps de pompiers constitué et équipé de pompes.
Dans le domaine spirituel, l’église des Récollets est bâtie en 1706, les sœurs de la Sagesse s’établissent en 1709 et les sœurs de saint Etienne ou Forestiennes à l’hôpital saint Etienne datant de 1703. L’église saint Sauveur, qui subit un incendie en 1705, est reconstruite en 1718 et la chapelle des sœurs de la Providence est élevée en 1744. En 1742, la tour saint Barthélémy lui faisant fonction de clocher, la nouvelle cathédrale est reconstruite à peu près sur l’ancienne car la place d’Armes est à cette occasion agrandie et en partie plantée d’arbres créant le bois des Charmilles d’amourettes.
Des cimetières sont implantés : Laleu, la Butte, Saint Maurice et un nouveau cimetière est réservé aux protestants en 1725 le long des remparts.
Suite à un incendie en 1705, le Tribunal de commerce est reconstruit en 1716 et héberge en 1719 la chambre de commerce créée par Louis XV et qui défend les intérêts locaux par représentation de députés au conseil national. Ce regroupement compose l'hôtel de la Bourse. L’hôtel de l’Intendance est déplacé en 1729. La mairie, restaurée en 1718, réintègre l’hôtel de ville en 1748 après un accueil temporaire à la maison Henri II et l’hôtel du Gouverneur est transféré dans un grand hôtel.
On travaille toujours à assainir la ville. Un abreuvoir puis la fontaine de la Maréchale est mise en fonction en 1707 hors les murs, celle du Pilori est complétée. Les canaux de la Verdière, longée de quais, et Maubec sont aménagés en 1731 pour une meilleure régulation des eaux et éviter l’envasement du port, ce qui n’est pas très efficace. En 1740, un pâté de maisons abattues est converti en place à la jonction de la Verdière et du Port, face à la porte de la Grosse Horloge, ce qui améliore le passage avec le quartier du Pérot. Le pont Neuf est bâti à l’embouchure du canal Maubec, alors que les ponts Maubec, Saint Sauveur et Saint Louis disparaissent en 1731.
Au Sud-Ouest de la ville, vers 1750, on prend déjà des bains de mer, le marché aux poissons est déplacé en 1725, un collège de médecine est créé en 1730 et l’hospice du Lazaret est fondé aux Minimes.
Ce siècle des lumières voit se développer l’alphabétisation de la population. En 1712, des écoles gratuites sont créées pour les enfants pauvres. Des sociétés et académies commencent à être organisées pour la diffusion des idées et les éditions dans les domaines religieux, médicaux, juridiques et maritimes, comme l’académie royale des belles lettres qui se réunit dès 1732 dans la mairie ou l’académie de musique en 1730. Un premier théâtre, le grand Galion est créé en 1742. Un médecin rochelais, Nicolas Venette, étudie le scorbut et fait éditer un Tableau de l’amour conjugal, ouvrage d’éducation sexuelle surprenant pour l'époque.
Vers 1789 Télécharger au format 5500x3000 pixels
Le tribunal et la chambre de commerce sont à l’étroit, témoignant de la prospérité des grands armateurs. Ils obtiennent l’autorisation de reconstruire en 1760 un grand bâtiment agrandi en 1784, qu’ils partagent sous le nom d’ hôtel de la Bourse. L’hôtel du Gouverneur est également agrandi en 1775 et un jardin botanique lui est adjoint. En 1783, le palais Royal d'Henri IV est remplacé et redevient palais de Justice. Une nouvelle caserne est installée en 1775 à proximité de la gendarmerie, remplacée par une faïencerie à son ancienne adresse.
On tente de favoriser le commerce en difficulté : la marine marchande recule du fait de profondeurs de carènes croissante alors que l’envasement du port s’aggrave. Les navires s’échouent dans la baie nommée les Vases et les marchandises sont transportées sur les quais en barque. On procède donc à différents travaux. Pour endiguer l’envasement : une jetée est créée vers le Sud en 1772 pour limiter le chenal d’accès et le pont Neuf est complété d’une écluse en 1785 pour purger le port par effet de chasse. Pour favoriser l’accès aux gros trois mâts, les chantiers navals se déplacent au pied de la tour de la Lanterne en 1764, l’entrée du port est élargie par le sacrifice en 1776 de la petite tour de la Chaîne, dont l’utilité initiale n’est plus justifiée depuis le retrait de la chaîne et le bassin à flot intérieur est creusé en 1778 (pour n’être achevé qu’en 1808).
La tour des Récollets s’effondre et sur une partie de leur ancien couvent est bâti un arsenal. Un temple protestant rouvre à la place d’un magasin sur la petite rive et les jésuites sont expulsés suite à la défaveur royale en 1764, afin de limiter le pouvoir de l’Eglise.
Alors que les premières chaloupes de sauvetage sont instaurées en 1788, l’hôpital saint Barthélémy est détruit et le collège de médecine supprimé.
L’essor intellectuel et l’intérêt des marchands pour les sciences et les arts n’empêchent pas la stagnation économique, même si les grands bourgeois continuent de faire élever de grands hôtels.
Vers 1799 Télécharger au format 5500x3000 pixels
A la fin du siècle, sous l’effet de la révolution, les changements sont notables : de nouvelles fêtes sont crées, des rues et bâtiments sont temporairement renommés (jusqu’en 1795), mais ce n’est pas la moindre des choses.
Bien entendu, les représentants du culte, un siècle après avoir repris pied dans la ville, en sont à nouveau évincés et leurs bâtiments sont en 1791 et 1792 utilisés à d’autres fins. L’église Notre Dame devient une écurie, l’oratoire et l’église saint Sauveur des entrepôts, l’église saint Barthélémy un marché aux grains, les Carmes cèdent la place à une manufacture de tabac, le couvent des Récollets et les tours font office de prison. En 1796, les parturientes disposent déjà d’une salle de gésine au couvent des Dames blanches qui en 1792 a été utilisée comme prison. L’église des Récollets accueille les clubs révolutionnaires en 1791 et de nombreuses salles de réunion s’improvisent pour la société des amis de la constitution dès 1789, notamment au couvent des Ursulines.
Les casernes conservent leurs attributions mais d’autres bâtiments en font fonction : les couvents des Dominicains ou le monastère des Clarisses qui sert également d’hôpital militaire. L’ hôpital Aufrédy reprend ses fonctions.
Les cimetières ont, comme un peu partout voisiné depuis toujours les lieux de culte. Pour des raisons de place et d’hygiène, les autorités locales font fermer ces cimetières et ouvrir celui de Saint Eloi en 1794, hors les murs, ce qui ne va pas sans problèmes.
A compter de 1794 et après la révolution, les bourgeois rachètent de nombreux biens, l’évêché est déplacé et la bibliothèque prend sa place en 1795, elle comprend le cabinet de curiosité qu’un passionné de science naturelle, Lafaille, a créé depuis 1718 et lui a légué. Les élections reprennent en 1799 quand la municipalité est constituée, la salle saint Michel redevient en 1799 le temple protestant, un four à pain est installé dans la cour du temple et les abattoirs, qui remplacent les différentes boucheries, sont transférés près de la porte Saint Nicolas en 1796.