Partie du grand Sud Ouest aquitain qui passe, avec la reine Aliénor, de la France à l’Angleterre ; bénéficiaire d’une querelle historique dans un système féodal ; ne comptant bientôt ni seigneur local, ni centre monastique… La Rochelle a une population libre et entreprenante qui négocie avec ses protecteurs successifs la multiplication de ses privilèges.
L’essor de la ville est initié par un différent historique. La baronnie de Châtelaillon (15 km au sud), capitale de l’Aunis, est une seigneurie importante, cernée de fortifications et de quatorze tours, en opposition avec son suzerain, le duc Guillaume X d’Aquitaine qui la défait, fait raser ses fortifications et choisit La Rochelle comme nouvelle capitale de l’Aunis, soit que sa population l’ait soutenu contre Châtelaillon, soit que sa position ouverte au commerce mais protégée de marais l’ait motivé.
Les Mauléon deviennent seigneurs de la place, autorisée à la fortification et bénéficiaire de libertés pour attirer la population. Il s’ensuit une croissance démographique cosmopolite : bretons, anglais, irlandais, normands et flamands s’installent.
La fille de Guillaume X, Aliénor d’Aquitaine, fait confirmer en 1152 la charte de commune où apparaît le nom de La Rochelle, ainsi que Henri II en 1175 puis leur fils Richard cœur de lion qui lui accordent le statut de commune jurée (La première du centre Ouest). La ville passe dans l’escarcelle anglaise lorsqu’Aliénor, après sa séparation de Louis VII de France épouse en 1154 Henri Plantagenêt. Sans conséquence pour les populations : la charte est reconnue par les deux souverains.
Depuis 1175, la cité est gérée par les bourgeois. En 1199, les Mauléon se désistent en faveur de leur suzeraine de tous leurs privilèges sur La Rochelle en échanges d’autres biens. Dans la foulée, Aliénor exempte même la ville de l’imposition et accorde le droit de se réunir et de se gérer librement. Autant de concessions ultérieurement maintenues par de nombreux rois.
Elle est aussi démocratique, avec une autonomie municipale et un maire assisté d’un conseil de 24 échevins et conseillers, élu pour un an dans le chœur de l’église le dimanche de Quasimodo par les bourgeois (il suffit d’être résidant un an et un jour pour être bourgeois).
En 1199, le tout premier maire de France, Robert de Montmirail, a autorité sur la ville et ses environs, lève impôt et taxes locaux, dispose d’un sceau et dispute, contre le pouvoir royal et religieux, la défense et le respect les intérêts rochelais.
La ville a un statut de république marchande, à l’exemple des cités de Pise, Venise où Gênes depuis les IX° et X° siècle. Il lui vaut les foudres de l’évêque de Saintes qui lui reproche sa laïcité et son commerce, mais elle gagne à être un centre d’intérêt dans les rivalités entre Plantagenêt et Capétiens.
Le sel a toujours été précieux mais le vin de consommation courante de La Rochelle, en réalité exporté par La Rochelle mais produit par tout l’Aunis, favorisé par la forte insolation et de rares gelées, est alors célèbre en Angleterre, en Flandres voire en Ecosse et au Danemark.
Vers 1136, les rochelais ont non seulement obtenu des privilèges fiscaux mais ils peuvent disposer de leurs biens, se marier sans autorisation et rédiger des testaments.
L’activité portuaire devient prédominante et prospère, d’autant plus développée par l’union d’Aliénor et du roi d’Angleterre qui stimule les échanges avec le Nord.
Les Templiers se sont installés – en 1139, Aliénor leur a donné deux moulins pour s’établir - et ont créé dans la place la première banque vouée au commerce et aux investissements. Par ailleurs toutes leurs routes convergent vers la ville qui devient leur port Atlantique d'élection.
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La protection royale n’est pas assurée mais le commerce et les richesses se doivent d’être abrités et la fraude endiguée. La protection naturelle constituée par les marais et la mer n’y suffit plus. Une première muraille, dès 1130, encadre une partie du petit village de Cougnes et est percée de deux portes : Mauléon (aussi nommée Mallevaut ou du gros seing) à l’Est et la porte du Petit comté permettant à l’Ouest d’accéder au port.
La population s’accroît, l’échevinage est installé à l’emplacement de l’actuel hôtel de ville, d’autres quartiers se développent et des communautés religieuses s'établissent à partir de 1100 et avant 1150 : les Cisterciens dans le couvent Saint Léonard et les Soeurs de Sainte Catherine dans un prieuré.
Dans les hameaux voisins, des établissements religieux se sont également construits : l’église Notre Dame à Laleu en 1101 et une chapelle des Serruriers à Saint Eloi.
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Des extensions progressives de fortifications visent à protéger les nouveaux quartiers. Le premier est le nord de Cougnes, inclus dans l’enceinte dès 1150, l’ensemble étant renforcé de tours : de Gourbeille, de la Verdière, de l’Ecorcherie et percé de nouvelles portes : Cougnes, entourée de deux tours, dédiée aux visites royales et plus tard adjointe en avant de deux autres tours, et du Pérot (Parot ou du pont Tornis) pour accéder au hâvre d’échouage entre les îlots.
Au Sud se trouvent en effet deux affleurements formés par des résidus de falaises et de marais poussés par les flux où s’installent de pauvres pêcheurs et des serfs fugitifs, dans le faubourg du Pérot à l’Ouest, accessible par le pont Rambaud et le pont Tornis (il est pivotant) qui franchissent la Verdière (ou Besse à la reine), et Saint Nicolas en vis à vis à l’Est, accessible par le pont Maubec qui franchit le cours Maubec.
Très vite plusieurs congrégations s’établissent dans la ville. L’église de Cougnes est trop loin de la mer et trop petite : En 1152 l’église Saint Barthélémy, plus accessible à la population maritime puis immédiatement après l’église Sainte Madeleine sont fondées, toujours par les religieux de Saint-Jean-Dehors dépendant de Cluny. Y siègent aussi les assemblées municipales et les élections des maires. Un embryon d’hôpital est disposé près de la porte du Petit comté pour accueillir les nécessiteux.
Petit à petit, aux Templiers bien installés dans la place qui gèrent depuis 1139 les deux moulins sis hors les murs, s’ajoutent les Hospitaliers dont la chapelle devient l’église Saint Jean du Pérot.
Vue de la mer, la ville est lumineuse, d’où son surnom, par nombre d’étrangers et surtout les anglais, de Ville blanche. Qui donne son nom au château de Vauclair (ou Vauclerc) érigé en 1185 par Henri II. Il est protégé d’un rempart doté de quatre tours d’angle, reliées par des courtines au-dessus de douves, fait office de prison, domine le port primitif et ouvre à l’Est sur la place du Château (ou Saint Louis).